Vous êtes curieux de découvrir notre histoire pédagogique ?

Vous vous demandez comment une école de pédagogie Freinet secondaire a pu ouvrir ses portes à Liège en 1998 et passer de 4 classes à 1000 élèves en 30 ans ? Voici quelques clés de compréhension de l’institution scolaire Waha, une école unique à bien des égards …

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WAHA en 8 dates-clés qui permettent d’en saisir son importance et son originalité

1868: sur les traces de Léonie de Waha, une femme d’exception qui donna son nom à notre Athénée

C’est en 1868 que Léonie de Waha – pédagogue, féministe et militante libérale de premier plan du XIXe siècle en Belgique, a fondé notre école. À l’époque, l’enseignement secondaire n’existe que pour les garçons. Et encore, c’est réservé aux plus riches. Pour les jeunes filles, rien n’existe après le primaire. Notre école porte d’abord le nom « d’Institut Supérieur de Demoiselles » et a dès son ouverture l’ambition de former les jeunes filles de 2ans et demi jusqu’à 18 ans. Léonie de Waha s’attache à construire un enseignement d’excellence : les cours de langues sont donnés par des « natives », les cours de la section supérieure (les trois dernières années, de 15 à 18 ans) sont assurés par des professeurs « stars » de l’Université de Liège. Et  Léonie de Waha rédige, avec l’aide d’autres pédagogues comme la première directrice de l’école Pauline Braquavale ou la pédagogue Fröbel Octavie Masson les manuels utilisés à l’école.

Si les premières années, l’école a une forme privée – 200 actionnaires qui sont les grands noms de l’Industrie et du libéralisme liègeois du XIXe siècle – avec Léonie de Waha en présidente hyper active du Comité qui organise l’établissement, l’objectif des fondateurs est dès le début de faire rentrer l’école dans le giron public. C’est chose faite en 1887 quand Léonie de Waha cède l’école (et ses bâtiments de Hazinelle ainsi que l’Hotel de Crassier rue des Célestines) à la Ville de Liège. L’école devient l’Institut Communal Supérieur de Jeunes Filles. C’est à 90 ans que Léonie de Waha s’éteint. Retirée à Tilff, elle termine sa vie en militant activement pour le Mouvement Wallon. C’est par exemple à elle qu’on doit les couleurs actuelles du drapeau Wallon (celles de sa Ville, Liège). Au moment de la disparition de sa fondatrice, son école se porte bien. Elle entame sa mue la plus importante depuis sa fondation : en lançant un cursus complet en latin et en grec, l’Institut devient officiellement un Lycée prestigieux.

La Ville de Liège mène une politique extrêmement ambitieuse dans les années 30′. L’objectif est de reconstruire une région sinistrée par la guerre 14-18 et les projets se succèdent : écoles, Bains de la Sauvenière, Exposition internationale de l’Eau à Coronmeuse,…. Un dénominateur commun pour cette politique ambitieuse : l’infatigable échevin Georges Truffaut. Et un architecte qui réalise tous ces projets : Jean Moutschen, architecte officiel de la Ville. La rencontre entre ces deux grands noms de Liège donnera naissance au projet de nouveau bâtiment construit Waha, et que nous occupons toujours. Achevé en 1938 c’est un monument exceptionnel (et classé comme tel au Patrimoine de Wallonie). Une cathédrale moderniste à fonction scolaire. Plus de 20 œuvres d’art sont intégrées à un bâtiment conçu pour assurer une qualité d’enseignement exceptionnelle.

1998: naissance de Waha, première école secondaire de Pédagogie Active de type Freinet

Cette naissance est une rencontre entre les demandes de familles, l’engagement pédagogique d’enseignants du Pouvoir Organisateur de la Ville de Liège qui souhaitent faire évoluer leur enseignement et d’un échevinat qui cherche à redynamiser l’Enseignement communal liégeois secondaire. Ces familles, dont les enfants suivent les cours des Écoles fondamentales Freinet (Liège), souhaitent que leurs enfants bénéficient d’une continuité pédagogique dans le secondaire. En 1998, leur voeux est exhaussé : Waha ouvre ses portes avec 4 classes de pédagogie active, le début d’une longue aventure qui verra la population de l’école croître de manière régulière jusqu’à l’époque actuelle. Cette filiation Freinet primaire – secondaire est encore pleinement d’actualité et contribue pour beaucoup au succès de Waha: des écoles primaires Freinet ouvrent régulièrement pour répondre à une demande toujours plus croissante des parents et un grand nombre de ces enfants prolongent ensuite leur scolarité à l’Athénée.

1997 Formation des enseignants expérimentés volontaires (40 participant.e.s, une année de formations alliant théorie, recherches, découvertes des réalisations existantes, débats). En groupes de travail, ils préparent le fonctionnement de l’Implantation Waha (Athénée communal Maurice Destenay).

1998-1999 Création de 4 classes « pédagogies actives » et continuité des classes « immersion anglaise précoce » (créées dans le secondaire en 1996). Premier séjour pédagogique de socialisation (Ardennes, septembre 1998). Mise en place des conseils de la classe (chaque semaine les élèves tiennent leur conseil), des assemblées d’enseignant.e.s et lancement de projets (par exemple le projet Patrimoine, toujours actif).

Mise en place du travail en coopération, la difficulté principale est de choisir, tester, les supports-papier existants qui permettent l’autonomie du travail et la maîtrise de la correction. Avec la volonté de créer nos supports pour chaque matière.

Mise en place d’une évaluation respectueuse des apprentissages … D’abord l’équipe exclut les longues additions de points qui fabriquent des moyennes, elle favorise le regard critique accompagné de conseils. Ensuite elle organise l’année en 3 périodes, avec une Evaluation des compétences acquises qui indique les progrès, un examen viendra ensuite marquer le passage au 2d degré (passage en 3e année).

1999, création de la deuxième année : nouveaux élèves, nouveaux collègues, nouveau voyage pour la 2e année. Des moments de réflexion et de formation (par exemple en 99-00 on s’intéresse à la prévention de la violence et des assuétudes …). Et prise de conscience de la difficulté de gérer l’hétérogénéité du temps entre le fonctionnement d’un cours et la réalisation de projets. Nous travaillons la matière (les cours) et nous devons mieux organiser la manière de l’enseigner. En juin 2000, l’équipe s’est attaquée à la rédaction du Projet d’établissement. La recherche est continue…

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2003-2004: l’athénée Léonie de Waha devient un établissement indépendant et proclame ses premiers diplômés.

Le 1er septembre 2003 est créé officiellement l’Athénée communal Léonie de Waha : un nouveau matricule, une Direction propre avec son secrétariat et son économat. Administrativement, une telle création est possible grâce au nombre d’élèves inscrits. Ce qui permet, en juin 2004 de proclamer les premiers CESS en « Pédagogie Active ».  Et les créations ne s’arrêtent pas, car ces proclamations ont donné de l’assurance aux équipes. Déjà, 10 journées sont réservées pour travailler les projets en Ateliers et pour en présenter le résultat au public le jour des Portes ouvertes. Avec la 6e année, on mettra au point la notion de Travail de Fin d’Humanité (TFH) pour continuer à développer l’esprit de recherche (présent dans les ateliers), le travail authentique, la créativité : proposer un thème, faire les recherches avec l’aide d’un enseignant-guide, rencontrer un spécialiste, rédiger un travail de recherches scientifiques, assurer sa crédibilité avec un appareil critique correct ainsi que présenter son travail et son avis sur la question devant un jury composé d’un médiateur, d’un guide, d’un lecteur interne, et d’un lecteur externe.

Quelque faits marquants depuis les débuts de l’école qui en disent long sur notre approche pédagogique

2007-2009: les Prix Condorcet-Aron et Corsica

Depuis la création en 1998, les activités citoyennes se poursuivent avec un point central : le conseil de la classe vécu toutes les semaines pour chaque classe. Il faut y ajouter des rencontres, une collaboration avec les Territoires de la Mémoire, la participation à la réalisation de spectacles (Atelier théâtre), d’expositions, de voyages de Mémoire, de brochures. Cette année-là, l’Athénée a reçu le Prix Condorcet-Aron pour les activités concernant la citoyenneté dans l’hémicycle de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. C’est ensuite l’option Histoire qui participe au projet européen « Métamorphoses d’Europe ». En 2009, la section Sciences remporte (ex-aequo) le Prix Corsica (ULiège) sur le thème « Le climat, ses évolutions et les mesures à prévoir ».

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2013 : Wahatv remporte le Prix du jury Medea Awards, un concours européen de prestige.

Dès le début des années 2010, l’Athénée de Waha s’équipe en matériels numériques via l’obtention d’une série d’appels à projet de la cellule École numérique de la FWB. Le défi est de taille : il faut enlever des tableaux ardoises gigantesques, palier à l’épaisseur des murs pour permettre au wifi de circuler et organiser l’attribution de valises de tablettes numériques d’un poids certain dans une école comptant 6 étages et deux ascenseurs récalcitrants. Très vite, le numérique s’impose comme un outil essentiel au service des apprentissages et des projets très novateurs voient le jour. Parmi ces derniers, Wahatv s’impose  comme l’archétype d’une combinaison entre les enjeux Freinet d’apprentissages et les potentialités du numérique. La Webtv est créée dans le cadre d’un atelier comptant une dizaine d’élèves de 12 à 17 ans. En collaboration avec le Centre audiovisuel de Liège (actuellement nommé Capmédia), les élèves prennent en charge le design du logo, l’ergonomie du site, le layout et la mise en ligne d’une série de contenus scolaires afin de leur donner davantage de visibilité pour le public extrascolaire. En 2013, c’est la consécration: les élèves obtiennent le prix du Jury d’un concours international, une récompense remise des mains de Renée Hobbs, une chercheuse américaine qui fait autorité dans le domaine de l’éducation aux médias.

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2018 : triple anniversaire

Trois événements importants seront simultanément fêtés cette année 2018 : les 150 ans de l’Institut supérieur de demoiselles, fondé en 1868 par Léonie de Waha, les 80 ans du bâtiment actuel du Lycée de Waha inauguré en 1938 après avoir été construit par l’architecte Jean Moutschen et les 20 ans de la Pédagogie Active de type Freinet et de l’ immersion. Pour l’occasion, l’école est approchée par Patrick Séverin, un réalisateur liégeois qui va passer, avec son équipe, une année en immersion dans l’école. Sa démarche aboutira à la réalisation d’un webdocumentaire intitulé « Élèves en liberté » et à la conception d’un film documentaire « Sortir du rang ». Sous l’impulsion de la sortie en salle et en ligne de ces documents, Waha gagne fortement en popularité, d’autant plus que les portes ouvertes commémoratives sont un très grand succès public. Le tableau serait idyllique si le 29 mai 2018 n’avait pas vu un attentat terroriste se produire à Liège et provoquer la mort de 3 liégeois aux portes de l’école. Si fort heureusement aucune victime n’est à déplorer parmi les élèves et l’équipe éducative de Waha, il n’en reste pas moins que l’épreuve s’est avérée très traumatisante et reste dans toutes les mémoires.

Cette même année 2018, l’Athénée communal Léonie de Waha a eu l’immense chance de recevoir Claudie Haigneré, dernière astronaute européenne à avoir voyagé dans l’espace et ancienne Ministre déléguée de la République Française. Cette invitée de marque est venue expressément de Paris pour donner une conférence au Théâtre de Liège à pas moins de 500 de nos élèves.  Elle a ensuite pu découvrir la présentation du projet « Moon Village » des élèves de 6e année Option Sciences. Notons que notre école est aussi régulièrement invitée à se rendre à l’European Astronaut Centre (EAC), le centre d’entraînement des astronautes de l’Agence spatiale européenne établi à Cologne.

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2019: Waha récupère l’annexe et des classes supplémentaires

L’école gagnant sans cesse des élèves, une double solution fut trouvée pour optimiser l’espace à disposition des élèves. D’une part, Waha secondaire a pu récupérer des classes laissées vacantes par l’école primaire puisque que cette dernière déménageait partiellement dans une autre implantation. Et, d’autre part, l’école a pu investir l’ « annexe », c’est-à-dire l’ancienne maison de maître située à deux pas de l’école qui abritait autrefois les Territoires de la mémoire. Ce bâtiment est devenu un lieu stratégique pour plusieurs raisons. Les élèves du 3e degré semblent particulièrement apprécier son environnement calme pour y travailler et la cour intérieure pour converser au soleil sans « petits » à proximité. L’équipe pédagogique, quant à elle, se réunit à l’annexe pour des réunions ou des évènements ponctuels. Mentionnons rapidement que la salle de cinéma a été réhabilitée et elle accueille le cours de l’option communication dont les élèves animent un « Commu-club » hebdomadaire proposant une activité culturelle sur le temps de midi pour élèves et professeurs. Cette annexe s’impose donc maintenant comme un espace central de l’école à tel point que les dernières journées du patrimoine y furent localisées.

Aperçu - N°58 Salle de Cinéma - Annexe
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2020-2021 : « Rwandha », la résilience d’une école active confinée

Le confinement frappe Waha comme toute autre école mais dans un écosystème de pédagogique active, axée sur une logique de travail coopératif et un rapport équilibré entre élèves et professeurs, le passage au distanciel a creusé un abîme profond, vertigineux, qui a profondément affecté les acteurs de l’école. Entre le premier et le deuxième confinement, un groupe d’élèves et de professeurs décident de prendre le taureau par les cornes et ils se lancent dans le projet pédagogique le plus ambitieux jamais imaginé au sein de leur école. Ils s’emparent de la question coloniale, entrent en contact avec Bruce Clarke, un artiste de renommée internationale, collaborent avec des associations militantes dans le devoir de mémoire à l’égard du génocide des Tutsis au Rwanda, ils créent une installation multimédia et protéiforme, ils exposent à Bozar et à la Cité Miroir. De nombreux enseignants de l’école ont aligné leur cours sur les enjeux de ce projet titanesque en regard de son contexte de réalisation. Mais le plus important, c’est bien de constater qu’à cet instant, 300 élèves de l’école ont refusé de voir le confinement les priver de ce qu’ils viennent chercher à Waha: créer des projets qui ont du sens et qui participent à l’expression d’une citoyenneté à hauteur d’élèves. (Ce projet fait l’objet d’un article du blog si vous désirez en apprendre d’avantage.)